Pourquoi parler de répression au Chili alors que la dictature a disparu depuis plus de 20 ans ?
Car il nous est arrivé une petite mésaventure lundi dernier après le match du Chili en Copa America.
Nous étions chez un ami chilien pour regarder le match et la victoire de la "Roja" face au Mexique. Après ça nous sommes sortis dans la rue pour voir les chiliens célébrer cette première victoire. Ici le foot est très important donc forcément l'avenue principale de Santiago était remplie et les gens arboraient des drapeaux et klaxonnaient avec leurs voitures. Ambiance festive.
Nous sommes restés quelques minutes regarder ce spectacle (qui rappelait la coupe du monde en France) et avons attendu un taxi à un carrefour.
Soudain il y a eu un gros mouvement de foule vers nous, les policiers (qui ressemblaient plus à des militaires) sont arrivés avec leur gros camions lance à eau et ont "dégommé" tous les gens qu'il y avait sur leur passage (et sur les trottoirs). Moi (Paul) j'ai réussi à me cacher derrière un kiosque avec d'autres chiliens, mais Manon et Perrine n'ont pas eu cette chance puisque Manon s'est pris le jet d'eau en pleine face et a été projetée de 2 à 3 mètres en arrière. Elle s'en sort avec un bobo à l'arcade, des bleus aux jambes, des picotements aux yeux (la police rajoute du produit dans l'eau) et de grosses frayeurs car ça aurait pu être bien pire ! Que d'émotions !
Ce qui s'est passé n'est visiblement pas un "cas isolé".
Au mois de mai lors des manifestations contre un projet de barrages hydroélectriques en Patagonie, Edouard un copain de l'école a participé à une marche de protestation pacifique dans les rues de Santiago. Il y avait plus de 30 000 personnes quand la police a stoppé les manifestants et pour disperser la foule a usé de la force, à coup de gazs lacrymogènes et de jets d'eau. Là aussi s'en est suivit un important mouvement de foule où les gens se marchaient dessus pour éviter d'être asphyxiés...
Il faut dire que la situation est assez tendue à Santiago ces derniers mois puisque de nombreuses manifestations viennent s'opposer à la politique actuelle du gouvernement et au système en place. Le projet d'installation de plusieurs barrages en pleine Patagonie a provoqué de nombreuses manifestations qui ont été durement réprimées.
Et ces dernières semaines les étudiants ont protesté dans tout le pays contre la privatisation toujours plus croissante de l'éducation et de l'enseignement supérieur (un an à l'université coûte au moins 3 000€).
Le gouvernement est sur ses gardes et a l'air très craintif de la réaction de la rue... Pour cela il utilise la manière forte, au moindre attroupement les policiers interviennent pour disperser la foule.
Une autre explication à cette intervention systématique de la force est la présence de délinquants (casseurs) au sein des manifestants.
Qui croire ?
Récemment dans une interview, le Ministre chilien de l'Education a déclaré que "les manifestants [contre le système éducatif] ne représentaient pas tous les étudiants chiliens". Bien sûr que chaque étudiant n'ira pas manifester, mais quand on sait que plus de 100 000 étudiants ont manifesté dans un pays qui compte 17 millions d'habitants (soit l'équivalent de 400 000 étudiants en France), il est légitime de se poser des questions sur la bonne foi du gouvernement.
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Le ministre Lavin et le président Piñera dans son joli cadre |
Selon plusieurs articles trouvés sur la toile, les gouvernements chiliens qui se sont succédés (de droite et de gauche) font régulièrement usage de la force pour régler des conflits, notamment celui avec le peuple Mapuche (qui dénonce des emprisonnements forcés et le vol de ses terres).
Mais ne crachons pas dans la soupe puisque depuis la fin de la dictature (il y a 20 ans) le Chili devient un pays de plus en plus démocratique, en témoigne les progrès suivants :
- la loi dépénalisant l'homosexualité (juillet 1999),
- l'abolition de la peine de mort (2001),
- l'autorisation du divorce (2004),
- les procédures judiciaires contre (feu) Pinochet et ses amis.
Bien que le pays soit économiquement développé, il reste beaucoup de progrès à faire du point de vue démocratique et social (pour un accès moins restreint à la santé et à l'éducation).
Une belle preuve de discernement des forces de l'ordre en pleine intervention. Tout le monde dans le même panier et ceux qui sont au mauvais endroit au mauvais moment, tant pis pour eux. Au moins les polices des différents états se ressemblent à ce niveau là
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