Histoire du Chili



[3ème partie : l'intervention extérieure et la fin de la terreur]


La machine à répression de Pinochet

Toute dictature nécessite une police politique, chargée d'éliminer secrètement tous les opposants au régime et de maintenir un sentiment de peur dans le pays pour éviter toute rébellion. Un exemple très connu est la Gestapo lors de l'Allemagne nazie. 

Au Chili, la police de Pinochet s'appelait la DINA (Direccion de inteligencia nacional). Cette structure a joué un rôle très important pendant la dictature, elle était considérée comme l'arme secrète du chef chilien.

La machine à répression a arrêté, séquestré, torturé et assassiné des centaines de personnes, militants politiques ou simples citoyens opposés au pouvoir en place. 


Mais la particularité de cette police politique est qu'elle était associée à d'autres services secrets étrangers, en Amérique du Sud et en Europe.

En effet dans les années 70, plusieurs dictateurs sévissent en Amérique latine, notamment chez les voisins du Chili. Pinochet va alors mettre en place une véritable coalition pour mettre en commun les forces des dictatures d'Amérique latine et détruire toute forme de contestation (notamment les guérillas).


L'Opération Condor naît en 1975 et réunit alors le Chili, l'Argentine, le Paraguay, l'Uruguay, la Bolivie et le Brésil.
L'objectif premier étant de détruire les guérilleros terroristes gauchistes au nom de la soit disant "doctrine de sécurité nationale". Dans les faits, cela a été bien différent puisque le citoyen lambda pouvait être interpellé pour n'importe quel motif et exécuté s'il ne coopérait pas.

Mur des photos de disparus



Cette alliance a permis de coordonner les renseignement sur les individus suspects, et surtout de transférer (ou déporter) les détenus entre les pays pour les faire disparaître. En clair, un chilien arrêté à Santiago pouvait être  transporté jusqu'en Argentine où il y était interrogé, puis emmené dans l'Altiplano bolivien où on l'assassinait et l'enterrait. On appelait ça les "caravanes de la mort".

D'après le Musée de la mémoire, différentes méthodes de torture étaient  utilisées : l'enfermement, l'électrocution, l'humiliation, le simulacre de pendaison ou de fusillade (pour "faire parler les ennemis"), la privation et l'interruption de sommeil, les menaces, coups, la roulette russe, et les violences sexuelles. 



Les réactions de l'opinion internationale

Devant une telle répression et une dictature si sanglante, comment ont réagit les grands d'Europe et l'ONU ?

En 1973, les gouvernements occidentaux n'ont semble t-il pas pris la mesure et l'ampleur du Coup d'Etat, ainsi que ses répercussions pour l'Amérique latine. A cette époque il y avait bien d'autres préoccupations (Guerre froide, choc pétrolier, ...).

Cependant à la fin de l'année 1973, la veuve du défunt S. Allende a pu prononcer un discours durant l'Assemblée Générale de l'ONU.
A partir de 1974, l'ONU condamnera chaque année la dictature de Pinochet et ses crimes contre la population. 
En 1976, le sénateur américain Ted Kennedy (frère de JFK) fait voter un embargo sur la vente d'armes en direction du Chili (qui était un pays très demandeur...).

Fin 1977, l'ONU ira même par faire un vote contre le "régime militaire pour ses abus en matière de droit de l'homme".
Visiblement, l'ONU n'a pas voulu user du droit d'ingérence et ainsi s'immiscer dans les affaires intérieures du Chili.

Outre l'aspect politique, des centaines de manifestations ont pris part aux quatre coins du monde et surtout en Europe où s'étaient réfugiés des milliers de chiliens.


Le plébiscite de 1978

En 1978, après le vote de l'ONU contre Pinochet, celui-ci décide d'organiser un plébiscite populaire pour montrer au monde entier que l'ONU a agressé le Chili et que les chiliens soutiennent leur chef d'Etat.


Voici le spot (pour le "oui je suis d'accord avec la politique de Pinochet et je le soutiens") diffusé à la télévision chilienne avant le fameux plébiscite. On peut voir le bulletin de vote où il y a un drapeau du Chili en face du "Oui" et un drapeau noir devant le "Non". Evidemment aucun soutien pour le "non" n'apparaissait dans les médias.
Les résultats sont très encourageants pour Pinochet car 75% des votants pencheront pour le "oui" et 20% pour le "non". Le pays commence alors à se diviser entre les pros et anti-Pinochet.

Pinochet semble avoir du mal à contenir les opposants à son régime, que ce soit à l'intérieur du pays et à l'étranger. Pour légitimer davantage son pouvoir, il va institutionnaliser son régime en réécrivant une Constitution (qui est d'ailleurs encore en vigueur aujourd'hui mais a été profondément modifiée) qui lui attribuera tous les pouvoirs pendant 8 ans (soit jusqu'en 1989).

Ainsi, fin 1980, un référendum est organisé pour valider la nouvelle Constitution, celle-ci sera approuvée à 67% et 30% de votes contre, l'opposition commence alors à prendre de l'ampleur.

Jusqu'en 1988, les opposants au régime se feront de plus en plus nombreux, des syndicats et des partis politiques vont s'organiser en secret, et les pays occidentaux commencent à apporter leur soutien au peuple chilien.

En 1986, Pinochet sera même la cible d'un attentat, où il y échappera de très peu...


Augusto Pinochet interrogé après l'attaque contre le convoi présidentiel .

Le référendum de 1988 : la fin du cauchemar

Enfin en 1988, un nouveau référendum a lieu pour prolonger ou non de 8 années le régime en place.
Comme prévu dans la constitution de 1980, une campagne électorale et des partis politiques pourront se former quelques mois avant l'échéance.
Ainsi, les opposants vont s'allier au sein d'un même parti politique appelé "la Concertation" (qui existe encore et est représenté au parlement mais n'a plus les mêmes objectifs).
Les motivations des partisans du "non" sont essentiellement la mauvaise situation économique du pays (72%), notamment la mauvaise répartition des revenus et des richesses, et les violations des droits de l'homme par la dictature (57%).

Voici les 2 spots très "kitch" pour le "OUI" et le "NON" à la prolongation du régime.





Au final, le "Non" l'emportera avec tout de même 56% des voix (et près de 90% de participation). C'est la fin de la dictature et le retour à la démocratie après 15 ans de terreur.

En 1990, le retour à la démocratie sera officialisé et une grande fête aura lieu au stade nationale.





Pour plus d'infos, voir l'article de Wikipedia qui raconte exactement toute la dictature au Chili, de manière objective.
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[2ème partie : l'intervention des Etats-Unis et la dictature]

La CIA a t-elle joué un rôle ?

Le Coup d'état du 11 septembre 1973 reste à ce jour floue quant au rôle du gouvernement américain et plus particulièrement de la CIA pour appuyer Pinochet et ses troupes.


En effet, dès les élections présidentielles de 1964, où pour la première fois un candidat communiste a participé au second tour, la CIA a appuyé le candidat conservateur par peur de voir un pays démocratique basculé dans le giron des communistes. Les services secrets américains avaient alors soutenu Eduardo Frei en payant une partie de sa campagne électorale.
C'est l'époque de la Guerre Froide et les Etats-Unis ne supporteraient pas qu'un autre pays d'Amérique devienne socialiste-communiste après la prise de Cuba par les révolutionnaires castristes.

Malgré tout en 1970 les américains ont confiance en la droite chilienne au pouvoir et ne craignent pas spécialement les élections présidentielles. Mais c'est la stupeur à Washington le 4 septembre 1970 quand la Maison Blanche apprend que Salvador Allende est arrivé en tête du second tour des élections présidentielles.

A partir de cet instant le président Nixon et son sulfureux secrétaire d'Etat Henry Kissinger vont mettre en place une campagne de déstabilisation pour renverser Allende.

Comment ? En divisant par 10 les crédits accordés au Chili par les USA (de 300 millions de $ à 30 millions), en soutenant financièrement les partis politiques et les journaux conservateurs, mais surtout en appuyant des milices qui provoqueront des grèves générales.

Ford, Nixon et Kissinger
Nixon dira même que les Etats-Unis ne pouvaient pas rester impuissants et "regarder un pays devenir communiste à cause de l'irresponsabilité de son peuple"...
L'intervention des USA, "les gendarmes du monde", sera menée par Henry Kissinger. Cet homme a mené toute la politique diplomatique de la Maison Blanche dans les années 60 et 70, une période politique très tendue... (guerre froide, Watergate). 
Selon certains historiens, il était au courant de la mise en place d'un Coup d'Etat au Chili par les militaires et il serait même intervenu directement dans l'assassinat de personnalités de gauche.



[Pour plus d'infos sur le sujet, lire les ouvrages très intéressants de Henry Kissinger qui racontent la diplomatie américaine sous Nixon et Ford].

Au final, la tactique adoptée par le gouvernement Nixon fonctionnera et laissera le Chili aux mains d'un dictateur.


La vie sous la dictature

La terreur s'est à peine installée en ce 11 septembre 1973 qu'on relève déjà pour le premier jour l'arrestation de 1273 personnes, toutes partisanes du président déchu. 
Le couvre-feu est installé en ce premier soir, il est alors interdit de circuler dans les rues de Santiago entre 20h à 6h du matin. Tous les commerces doivent être fermés.
Des check-points sont installés dans la capitale pour filtrer la circulation et contrôler toutes les personnes qui se déplacent (au cas où il resterait encore des partisans d'Allende).

"Los bandos"

Pour contrôler au mieux le pays, la Junte militaire va créer une nouvelle norme juridique : "el bando". C'est une sorte de loi ou plutôt d'arrêté pris de manière discrétionnaire (sans aucun recours possible) par les généraux de Pinochet dans chaque région du pays. 
Ces normes étaient de nature très différente et pouvaient réglementer la circulation, les peines de mort ou les appels téléphoniques.

En voici quelques exemples pour la région métropolitaine (Santiago) :

n° 1 : Tout acte de sabotage sera immédiatement suivi de l'exécution des auteurs présumés sur le lieu même du crime.
n° 17 :  Les appels téléphoniques passés depuis les PTT devront durer 3 minutes au maximum et les sujets politiques ou religieux ne devront être évoqués. De plus, ces appels seront contrôlés et enregistrés.
n° 25 : Tout acte de résistance donnera lieu à la fusillade par un peloton d'éxecution des personnes concernées. 
n° 32 : La vitesse des voitures ne devra pas être supérieure à 30 km/h en zone urbaine.
n° 35 : Les feux des voitures devront rester enclenchés la journée, et le soir les lumières intérieures devront être allumées pour distinguer les personnes qui occupent le véhicule.


Fin de la vie démocratique

Dans les mois qui suivirent le 11 septembre, trois importantes mesures furent prises :
réorganisation totale de l'Etat et des services publics = licenciements massifs de fonctionnaires (près de 85000 en 2 ans !),
instauration de la peine de mort et légalisation des exécutions sommaires,
suppression des élections présidentielles, législatives et locales, " jusqu'à nouvel ordre".

Ainsi Pinochet voulait enterrer tous les partis politiques existants, et même ceux conservateurs, pour n'avoir aucun adversaire. Il ordonna aussi la nullité de tous les registres électoraux (ils seront brûlés), et la destitution des tous les élus nationaux et locaux.

De véritables autodafés étaient organisés, ce qui sonnaient le glas de toute pensée socialiste ou communiste dans le pays, et qui montraient la fin des militaires apolitiques (qui prenaient maintenant partis pour la dictature).
Les médias étaient quant à eux victimes de la censure, ou bien tout simplement d'une interdiction de publier. Dès lors, seuls les journaux en faveur du régime avaient l'autorisation de distribuer (le contenu éditorial était tout de même contrôlé).
Une liste de journaux et revues autorisés a ainsi été émise, ceux n'y étant pas présents pouvant mettre la clé sous la porte, ou choisir la voie de la clandestinité, comme beaucoup l'ont fait.






En décembre 1973, la Cour Suprême du Chili, dernier rempart contre Pinochet, considère qu'elle n'a pas la compétence pour juger les tribunaux militaires et accepte l'exception de jugement pour les militaires et la police. Ces militaires sont alors au dessus de tout tribunal.

Cinq ans plus tard, un décret-loi pris par Pinochet amnistie tous les actes criminels commis entre 1973 et 1978 (c'est à dire 75 % des tortures et exécutions qui auront été perpétrées pendant la dictature).

L'asile politique et les exilés

Des milliers de personnes, craignant les arrestations ou l'exécution sommaire, demandèrent au nouveau régime de quitter le pays, et d'autres se réfugièrent dans les ambassades étrangères à Santiago. Les institutions diplomatiques étaient des lieux très prisés puisque protégées par les lois internationales.

C'est ainsi qu'à l'ambassade de France, des dizaines de chiliens ont été cachés et ont pu être aidés pour quitter le pays. Ci-dessous le témoignage intéressant de l'ancien conseiller culturel de l'ambassade de 1973 à 1976.




 Un décret publié en 1975 offrit (miraculeusement) à tous les condamnés emprisonnés la possibilité de quitter le pays dans les plus brefs délais, à un détail près, sur le passeport était apposé la lettre "L" : interdiction de revenir au Chili.


Malgré l'exil à l'étranger, les anciens décideurs du Chili seront poursuivis par la Junte militaire aux quatre coins du monde (avec l'aide de la CIA) :
 - le 30 septembre 1974, l'ancien chef de l'armée Carlos Prats, est assassiné à Buenos Aires par les services secrets chiliens, la DINA,
  - le 6 octobre 1975, le vice-président sous Allende, Bernardo Leighton, est victime d'un attentat,
  - 21 septembre 1976, Orlando Letelier, ex ministre sous Allende, est tué en plein coeur de Washington.


Les funérailles de Pablo Neruda, premier espace d'expression

Le 23 septembre 1973, ont lieu les funérailles du poète Pablo Neruda, il était très apprécié par les chiliens et représentait un symbole de liberté et d'expression pour tous. Des centaines de chiliens bravèrent l'interdit pour aller lui rendre hommage une dernière fois. 

La cérémonie était encadrée par la police mais les admirateurs de Neruda purent chanter quelques chansons contre les militaires. C'était la première fois depuis le coup d'état que des citoyens chiliens protestèrent contre l'armée. Beaucoup de journalistes suivirent l’évènement et en quelque sorte ils protégèrent les sympathisants pour ne pas qu'ils soient arrêtés ou massacrés.

Ce fut un des seuls rassemblements publics de fidèles de l'Unité Populaire lors de la dictature.

                                                                          Aller à 3'30


Suite et fin, cette semaine, tous les évènements qui ont marqué la dictature jusqu'à son épilogue.

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[1ère partie : le coup d'Etat = pourquoi et comment ?]


Pinochet et Allende
Ce que nous connaissons de l’histoire du Chili se résume bien souvent à la dictature de Pinochet. Depuis notre arrivée au Chili, nous en voyons encore les traces, que ce soit à la télévision, dans la presse ou dans les rues mêmes de Santiago. Des doutes subsistent même sur les circonstances du décès d’Allende : un juge a accepté ce vendredi que le corps de l’ancien président soit exhumé fin mai pour trouver de nouveaux indices.

En 1973, le Chili était le pays le plus développé d’Amérique du sud et la démocratie était acquise depuis longtemps.

Les évènements ont été d’une telle violence que cet épisode de l’Histoire mérite d’être éclairé. Je vais tenter d’expliquer ce qu’il s’est passé durant la dictature au Chili, ainsi que les causes  et les conséquences de ce régime imposé par Pinochet.

Les faits relatés par la suite proviennent en grande partie du Musée de la mémoire où j’ai passé du temps pour recueillir toutes les informations. Ce musée a pris forme grâce aux recherches entreprises par la Commission de la vérité et de la réconciliation.

Ce type de commissions a été mis en place au Chili dans les années 90 pour faire la lumière et dénoncer les atteintes aux biens et aux personnes entre le 11 septembre 1973 et le 10 mars 1990. Il en existe pas moins d’une vingtaine dans le monde, qui ont opéré dans des pays ravagés par la dictature dont une grande partie situés en Amérique du Sud (Paraguay, Pérou, Argentine, Bolivie, Equateur, Uruguay).


Avant d’évoquer le coup d’état du 11 septembre 1973 et la dictature, il faut rappeler le contexte économique et social dans lequel se trouvait le pays dans les années 70 et les possibles raisons qui ont amenées les militaires à prendre le pouvoir par la force.


L’Unité populaire

Le peuple uni ne sera jamais vaincu !
Nous vaincrons
Le 4 Septembre 1970, Salvador Allende, candidat de l’Unité populaire (rassemblement de partis plutôt à gauche), remporte les élections présidentielles d’une courte tête (37%) puisqu’il devance Radomiro Tomic le candidat démocrate-chrétien (28%) ainsi que l’adversaire conservateur Jorge Alessandri (35%) soutenu par le gouvernement américain. Allende est alors élu par le Congrès chilien grâce à l’appui des démocrates-chrétiens. C’est alors le premier président au monde élu démocratiquement sur un programme d’inspiration socialiste et marxiste à la fois.

Le président Allende est très attendu car il a suscité beaucoup d’espoirs de la part des classes populaires durant la campagne électorale, en effet c’est la première fois qu’un président a su rassembler la classe ouvrière.

Il est salué et félicité par de nombreux chefs d’état dans le monde. En 1971, François Mitterrand ira même le rencontrer pour connaître les méthodes de son succès.



Les réformes ne se font pas attendre. Le « camarade Allende » se lance sur la voie chilienne au socialisme (« la via chilena al socialismo »). Sur le plan économique, de nombreuses nationalisations sont entreprises la première année (1971), 90 % des banques passent sous le contrôle de l’Etat ainsi que l’ensemble des mines de cuivre qui représentent près de trois quarts des richesses du pays. Les indicateurs économiques montrent des résultats économiques satisfaisants dès la première année : le PIB progresse de 8% et le chômage recule.


D’importantes mesures sociales sont prises, telles que l’extension de la sécurité sociale et la légalisation du divorce, et d’autres très (trop ?) populaires comme l’augmentation des salaires (de 40 à 60%) et la distribution gratuite de lait pour les enfants.


Cependant toutes ces avancées sont trompeuses, les deux années suivantes vont se révéler épouvantables pour les chiliens ; l’inflation explose (+500%) et le PIB diminue de 4%.

Le gouvernement tentera plusieurs réformes et interventions (comme la fixation du prix des denrées) mais en vain…


Le début des ennuis

Les déroutes commencent alors pour le gouvernement socialiste, aux élections législatives de 1972, l’opposition obtient 55% des voix et devient majoritaire au Parlement. Ces opposants tentent même de destituer le président mais la procédure légale n’aboutit pas.
Un sentiment de colère envahit une partie de la population chilienne notamment chez les classes aisées et les patrons. Les réformes sont prises rapidement et sont mal comprises par la population.

Durant les mois qui précédèrent le coup d’état, de multiples grèves et révoltes eurent lieu partout dans le pays. Mais Salvador Allende, serein, déclara que « ceux qui s'opposent à une révolution pacifique rendent celle-ci inévitablement violente ». Le peuple chilien est divisé entre les pros et anti Allende.


Le 29 juin 1973, une tentative de coup d’état, menée par de nombreux généraux de l’armée, est avortée par le chef de l’armée Carlos Prats. Celui-ci démissionnera alors le mois suivant et sera remplacé par un certain Augusto Pinochet… Allende cherche par cette nomination à rallier les militaires mécontents.

29 juin 1973 : Soulèvement des unités blindées, le gouvernement résiste.


Le 10 septembre 1973, Salvador Allende annonce qu’un plébiscite va être organisé dans les prochains jours pour décider de son sort. Mais il est trop tard.


La journée du 11 septembre 1973

6h. Les bateaux de la force navale chilienne reviennent dans le port de Valparaiso après quelques jours d’exercice avec l’armée américaine. Dans les minutes qui suivent, les militaires occupent la ville et prennent possession de points stratégiques.

6h30. Pinochet s’installe à un poste de commandement aidé par des généraux de l’armée et se substitue au ministre de la défense d’Allende.

7h. Des tanks de l’armée chilienne rentrent dans Santiago et se dirigent vers le palais présidentiel, la Moneda.


7h30. Allende, accompagné de sa garde rapprochée, arrive à la Moneda qui est maintenant encerclé par l’armée.

7h55. Allende informe le pays de la prise de Valparaiso.

8h30. Les radios d’opposition annoncent la fausse reddition d’Allende.

8h40. Allende sort sur un balcon de la Moneda et salue un groupe de sympathisants, c’est la dernière fois qu’il sera vu vivant.

9h. Echange de tirs entre des gardes du palais et des snipers postés dans les immeubles en face.


9h10. Discours d’Allende. « Je paierai de ma vie la défense des principes qui sont chers à cette patrie. […] L’Histoire est à nous, c’est le Peuple qui la fait. […] La honte tombera sur ceux qui ont trahi leurs convictions, manqué à leur propre parole et se sont tournés vers la doctrine des forces armées. […] L’Histoire les jugera. »

10h. L’armée propose la reddition et l’exil à Allende mais celui-ci refuse.

11h. La famille d’Allende et sa garde présidentielle sortent du palais. Ne reste plus que le président et ses plus fidèles collaborateurs.

12h. Des affrontements ont lieu dans des universités et des usines entres chiliens et forces armées. Les ressortissants étrangers se réfugient dans les ambassades. L’armée a paralysé le pays et a détruit des éléments stratégiques tels que des ponts, lignes de chemin de fer, oléoducs ou gazoducs. [On se croirait en temps de guerre !]

13h. Les militaires rentrent dans le palais et trouvent le président mort, il vient de se suicider avec une arme.


15h. La Junte militaire arrête tous les membres du gouvernement ainsi que les collaborateurs d’Allende, ils sont emmenés en camion et ne seront jamais retrouvés…

18h. Le couvre-feu commence à Santiago. Des camps de détenus sont improvisés. La Junte contrôle tout le pays. Tous les sympathisants de gauche sont arrêtés et emmenés dans des centres de détention.






Une du journal Le Monde le 13 septembre 1973


Le  lendemain du coup d’état, les militaires font une conférence de presse et expliquent les raisons de l’intervention.


Ce que l’on peut retenir du discours : pour eux, cette « triste et douloureuse mission » était justifiée par « un devoir de rétablir l’ordre et l’autorité » face à une « chute inéluctable vers le chaos économique, social et moral ». Les militaires admettent tout de même qu’il est « triste d’arrêter la démocratie mais l’Etat était en faillite ». Encore selon eux, la majorité des chiliens les soutiennent dans ce combat contre le marxisme mais leur « sacrifice » sera « salué par la suite ».

Le discours est très politisé et est marqué d’un extrême mépris envers l’ancien gouvernement et ses partisans.
Augusto Pinochet décrète l’état de siège sur l’ensemble du territoire chilien.

Le cauchemar commence.